La photographie choisie pour l’illustration de couverture de l’ouvrage Professeurs des écoles en formation initiale au fil des réformes. Un modèle de professionnalisation en question cadre un détail d’un groupe scolaire neuf devant la façade duquel se trouvent quelques arbres que reflètent de larges fenêtres.

Lorsque le responsable d’édition nous a demandé, à Patricia Tavignot et moi-même, de lui envoyer une image libre de droits pour fabriquer cette couverture, je regarde d’abord s’il existe une unité graphique caractéristique des ouvrages de cette collection (éducation et didactiques). J’en connais déjà certains, et à l’examen de l’ensemble de la collection, il apparaît qu’un code graphique se dégage, caractérisé par l’abstraction et le géométrisme.

Comme il est question de réforme de la formation initiale des professeur.e.s des écoles, il me paraît logique de partir photographier quelque école de l’agglomération dont l’architecture contemporaine pourrait fournir des motifs compatibles avec ce code.

Une première visite devant l’école de la Haie Vigné, qui a fait l’objet d’une réhabilitation il y a une dizaine d’années, s’avère décevante. Le récent bardage de bois a déjà vieilli et je ne parviens pas à cadrer les volumes qu’une lumière grise d’après-midi de janvier ne souligne guère.

En promenade du dimanche avec Anne-Laure, nous montons au Chemin vert où nous avons déjà longé le nouveau groupe scolaire Michel-Pondaven, dont la simplicité et la netteté des formes pourraient faire l’affaire. Ce groupe scolaire ouvert en 2018 constitue un élément central du programme de réhabilitation de ce quartier du Chemin vert surgi de terre dans les années 1960. Il s’en détache par la blancheur, le caractère manifestement neuf, mais il s’inscrit dans la continuité géométrique de ce quartier de barres, de tours et de rues perpendiculaires qui domine la ville.

Rapidement, les photographies s’imposent. Ce n’est pas tant le bâtiment ou tel détail de bâtiment qui est intéressant que la superposition de la forme et de la texture d’arbres, avec les murs et les fenêtres neuves de ce groupe scolaire. Des formes obliques, arrondies, aux surfaces patinées, anciennes (ces arbres ont été plantés lorsque le quartier a été créé) se dessinent sur le fond lisse et blanc d’un mur qu’interrompt une série de fenêtres dans lesquelles les premières se reflètent en se dédoublant à cause du double vitrage.

Lorsque j’envoie les photographies au responsable d’édition, je lui précise que le graphiste, tout en cadrant comme il le souhaite, pourrait centrer l’image sur ce jeu de superposition, de contraste et de reflet.

La photographie obéit ainsi au code graphique de la collection : elle propose un motif géométrique et abstrait. Derrière les troncs d’arbre, on ne voit pas même un détail architectural, simplement une alternance de gris et de blanc séparé par les bandes plus sombres des huisseries. Les arbres eux-mêmes ne sont pas vus en entier, mais coupés au tiers central de leur hauteur. Le plus visible est le treillage, l’espèce de toile d’araignée irrégulière que forment les reflets des branches dans les fenêtres.

Au-delà du motif scolaire (ce pourrait être après tout une photographie de reflets sur les fenêtres d’un bâtiment non scolaire), ce que symbolise cette image est le concept central de l’ouvrage : celui de professionnalité enseignante.

Le bâtiment derrière, l’école, est une image de l’institution scolaire, celle qui prescrit la professionnalisation des professeurs en changeant ses règles, notamment par réformes de la formation initiale (2006, 2010, 2013, 2019). C’est le versant « professionnalité prescrite » ; le métier tel que l’employeur le pose, comme objectif, cadre de référence et d’évaluation pour tous ses agents.

Les arbres devant sont des êtres vivants. Ils sont l’image des professeurs débutants dont nous avons étudié comment ils s’approprient leur formation initiale et leur métier dans les écoles où ils sont en stage. Ils sont à l’image du développement professionnel tel que nous l’entendons : un apprentissage du métier – sans la connotation biologique qui peut être associé au mot développement, plutôt avec les entrelacs d’une confrontation avec soi-même, avec l’institution, avec la formation universitaire et avec les autres professeurs.

La professionnalité qui se construit ainsi ressemble un peu à ces multiples chemins, à ces réseaux esquissés, flous, comme tremblants, que forment les reflets des branches.

Une autre analogie est aussi à percevoir. Les troncs et branches maîtresses sont les professionnalités installées des professeur.e.s expérimenté.e.s que rencontrent les débutants. Les petites branches et les rameaux de l’année (de couleur rouge) sont ces professionnalités débutantes venant se greffer sur les troncs…

Toute analogie a ses limites. Les ruptures créées par les réformes ont pour effet, en conjonction avec d’autres processus, d’altérer la représentation du métier de professeur.e des écoles. C’est ce que notre équipe a montré à partir d’une enquête conduite auprès des débutants des IUFM puis ESPE de Caen et Rouen en 2007, 2012 et 2015. Il n’est pas sûr que le métier de professeur.e des écoles puisse se représenter, historiquement, comme un arbre qui se déploierait harmonieusement, moyennant quelque distorsion locale apportée par un vent contraire

Référence de l’ouvrage : Jean-François THEMINES, Patricia TAVIGNOT (dir.), 2019,  Professeurs des écoles en formation initiale au fil des réformes. Un modèle de professionnalisation en question. Villeneuve d’Asq : Presses Universitaires du Septentrion, Collection Éducation et didactiques, 325 p.

L’ouvrage est en vente à l’adresse suivante : http://www.septentrion.com/fr/livre/?GCOI=27574100754200

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Photographie : Groupe scolaire Michel-Pondaven, Jean-François Thémines, 20 janvier 2019, 14h35

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