Nos vies confinées (4)

C’est un chemin de bordure.

Il est sur la commune de Caen et jouxte celles de Cormelles-le-Royal et Mondeville. Parallèle aux boulevards Poincaré et Rethel, il rejoint l’extrémité de l’avenue Sainte-Thérèse juste avant qu’elle ne devienne, à la limite entre Cormelles-le-Royal et Mondeville, le boulevard de l’Avenir.

Il passe entre d’un côté les anciennes cités cheminotes et ouvrières de Sainte-Thérèse, de Charlotte Corday et de l’autre, des cités pavillonnaires, un stade, une ancienne entreprise métallurgique. Ensuite, quand il entre sur la commune Mondeville, il devient la rue Lucien Bossoutrot et dessert le lycée Jules Verne ainsi que des quartiers pavillonnaires lotis dans les années 1960. Avant, à cet endroit, le chemin aux bœufs, carrossable, débouchait sur un petit chemin qui à travers les champs conduisait sous le chemin de fer puis au bourg de Mondeville. L’urbanisation de Mondeville a rattrapé celle de Caen (voir extrait de carte d’éta-major, années 1950).

Ce chemin est orienté Est-Ouest (photographie n°1 sous le soleil qui se lève et la lune qui se couche).

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Le chemin aux boeufs vers l’est, vers l’ouest. Photographie : Jean-François Thémines, 9 avril, 7h26

Son nom sans équivoque quant à ses usagers d’un autre temps n’est pas une manifestation isolée de ruralité. Dans les cités qu’ils bordent, les petites constructions (ateliers, poulaillers, etc.) ne sont pas rares (photographie n°2) et rappellent les attaches rurales de leurs premiers habitants. Aujourd’hui, il n’est pas rare d’entendre quelque poule ou d’apercevoir un lapin auprès de maisons reprises par des populations jeunes, entretenant sans doute un autre rapport aux animaux des basses-cours et aux campagnes. Dans les rares interstices de terrains non construits, le petit élevage est toujours possible, celui de poneys par exemple (photographie n°2)

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Aux abords du chemin des boeufs. Photographie : Jean-François Thémines, avril 2020

Longtemps donc ce chemin a été une frontière de Caen (voir photographie aérienne années 1950). Mais avant les cités ouvrières, on est (jusqu’aux années 1930) dans le « faubourg » de Vaucelles.

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Extraits de carte d’état-major, de photographie aérienne (vers 1950) et de la carte IGN actuelle (source : Géoportail)

Ce faubourg s’appuie sur les abords d’un plateau (que forme à cet endroit la plaine de Caen) emprunté et coupé à l’Est par les routes de Rouen et de Paris, et à l’Ouest par la route de Tours.

En bordure de ce plateau, juste au-dessus de la vallée de l’Orne, un boulevard est tracé à la fin du XVIIIe siècle. Il joint entre elles toutes ces routes ainsi que celle d’Angers, un peu plus à l’Ouest. Louis XVI l’inaugure en 1786. Cette promenade de bord de ville devenue boulevard Leroy est urbanisée dans le dernier tiers du XIXe siècle avant qu’à partir des années 1910, de coquettes petites maisons constituent de nouveaux faubourgs. Ces nouveaux faubourgs se densifient et sont prolongés dans les années 1930 par les cités jardins et cités ouvrières, derrière lesquelles passe le chemin des bœufs.

L’Atlas de Trudaine (Atlas des routes de France dit Atlas de Trudaine, réalisé entre 1745 et 1780) montre la situation avant cette fin de XVIIIe siècle (voir extrait planche Caen, attention le Nord est vers le bas de la carte). Ce qui deviendra le chemin aux bœufs est quelque part sur le plateau cultivé que parcourent des chemins entre Caen qui commence ou se termine alors à Vaucelles, Cormelles et Mondeville. Notez les repères tout à fait clairs que constituent les routes bordées d’arbres de Falaise, de Rouen et de Paris. Le « chemin de Cormelles » passe par les delles de La Guérinière (une delle est en Normandie une portion de terre labourable), futur quartier de grands ensembles périphériques de Caen. Le chemin de Rouen et la route de Paris se rejoignent à la Demi-Lune.

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Atlas de Trudaine, planche de Caen

Les promenades restreintes de confinement dans le silence du matin (ou du soir) ont cette vertu de nous mieux faire voir là où nous sommes. Géoportail (IGN) peut y aider. URL : https://www.geoportail.gouv.fr/

Et pour consulter l’Atlas de Trudaine : http://www2.culture.gouv.fr/documentation/archim/atlasdetrudaine.htm

 

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