Promenade à Luc-sur-Mer. Première promenade post-confinement.

Visite de la Chapelle Notre-Dame de l’Espérance où nous avions déjà pu découvrir les vitraux réalisés par Gérard Lardeur en 1956-1957.

Gérard Lardeur (1931-2002) a créé ces vitraux au début de sa carrière de maître verrier et sculpteur. Plus tard, dans les années 1980-1990, ses créations gagnent en abstraction, en rythme et en économie de couleurs. Pour l’heure, les bleus profonds voisinent avec les grandes plages rouges ou jaunes et les camaïeux de vert. Des formes sombres souvent verticales et des cercles, sorte de fleurs stylisées, se détachent sur des fonds plus carroyés (voir photographies ci-dessous).

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Autel et choeur de la Chapelle Notre-Dame de l’Espérance, Luc-sur-Mer (photographie : Jean-François Thémines, 16 mai 2020)

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Gérard Lardeur a obtenu des commandes pour des églises et des chapelles dans le Nord, en Bretagne, en Alsace, en région parisienne. Il a également réalisé des vitraux à Grentheville et Saint-André-sur-Orne dans le Calvados. Rien n’indique dans la chapelle quelles circonstances l’ont amené à participer à la rénovation de cette chapelle. Toujours est-il que :

Je fais ce que je fais, mais je le fais dans un lieu. Les deux doivent s’associer, chacun étant lui-même ou plutôt, chacun, du lieu ou de moi, doit donner à l’autre la dignité qui lui revient pour être libre. J’apporte à ce lieu son présent, un certain avenir ou une autre vision de son avenir. Il m’apporte le poids de son passé sans lequel je ne suis rien. J’entends par lieu l’édifice, ce qu’il représente et l’endroit où il est (Gérard Lardeur).

La chapelle Notre-Dame de l’Espérance est située à Luc-sur-Mer, au 23 rue de la Mer. Construite dans les années 1860 sous l’impulsion du curé de la paroisse de Luc, celui-ci en destine l’usage aux « baigneurs » qui fréquentent la station.

L’emplacement de la chapelle indique assez bien la façon dont l’espace de la commune s’est réorganisé à partir de la diffusion de la pratique des bains de mer.

Jusqu’aux années 1820, Luc est un bourg agricole (voir cartes ci-dessous).

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Extrait de carte d’état-major (première moitié du XIXe), de carte topographique (années 1950) et carte IGN (actuelle). La station se développe à partir du hameau du Petit Enfer, à distance du bourg (Vieux-Luc). La station, sorte de « Nouveau-Luc » et le Vieux-Luc se fondent dans une seule et même agglomération.

Quelques chemins conduisent à la grève qui procure les ressources de la pêche à pied sur les rochers des Essarts (Rochers du Calvados). Le hameau du Petit Enfer – nom lié peut-être à la présence oubliée d’un ancien cimetière protestant – qui abrite des familles de pêcheurs, a cependant déjà vu sa première auberge ouvrir en 1792, puis un deuxième hôtel en 1822.

Le lieu connu des pèlerins venus vénérer la Vierge noire de Douvres-la-Délivrande est, semble-t-il, fréquenté dès les années 1820 par des personnes de l’aristocratie parisienne et anglaise. Les établissements se développent le long du rivage, sur le modèle d’une station balnéaire, environ un kilomètre au nord du bourg que l’on finira par appeler le Vieux-Luc. 

La rue de la Mer devient l’axe principal articulant le front de mer qui s’étend avec son casino, les hôtels, les thermes (bains de mer chauds), avec l’aire de villas et de demeures plus modestes située en arrière de ce front de mer. Les cartes postales anciennes témoignent de cette vie d’une station dont le public s’élargit (voir reproductions ci-dessous).

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Attendant le flot, Luc-sur-Mer. Carte postale envoyée en 1908

Luc a également accueilli des peintres de passage. Voici un très beau tableau du peintre suédois Carl Fredrik Hill, peint en 1876, exposé au Musée d’art de la ville de Malmö. Venu s’installer en France après ses études à l’Académie Royale des beaux-arts de Suisse, ce peintre s’est d’abord rendu à Barbizon en 1874 avant de venir en Normandie sur les pas de ses aînés impressionnistes. Il a peint plusieurs tableaux en 1876 qui ont pour motif les falaises et la grève de Luc-sur-Mer.

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Carl Fredrick Hill, 1876, Seashore at Luc-sur-Mer, Malmö Konstmuseum

La rue de la Mer est sur le parcours de promenade de Caennais venus en train le dimanche, depuis la Gare Saint-Martin et descendant à la gare de Luc-sur-Mer (voir carte postale ci-dessous) ouverte en 1875 (sur la ligne Caen-Courseulles). La ligne ferme définitivement en 1950.

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Les « baigneurs », les « villégiateurs » et les promeneurs ne pouvaient donc que passer devant, et peut-être entrer, dans cette chapelle qui participe à sa façon de l’essor de la station (voir carte postale de la rue de la Mer ci-dessous.

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Rue de la Mer, Luc-sur-Mer, carte postale envoyée en 1926

Sans doute, Gérard Lardeur a perçu cette géographie-là dans les années 1950. La plus grande partie des 15000 estivants d’alors (selon René Streiff) sont des Parisiens, des Caennais et des Calvadosiens. Peut-être a-t-il aussi pris en compte l’après-juin 1944, puisque s’ajoutent désormais des Anglais « venant en pèlerinage sur les plages de débarquement et allant visiter les cimetières militaires de la région bas-normande ».

Au bout de la rue de la Mer, il aura fallu restaurer ou reconstruire les maisons éventrées, dégager la plage des chevaux de frise et des barbelés, déminer les villas, pour retrouver la station de Luc-sur-Mer. 

Elle est aujourd’hui insérée dans une urbanisation littorale discontinue (voir ci-dessus, extrait de la carte IGN contemporaine) organisée par la route littorale et les axes intérieurs qui relient la Côte de Nacre à Caen et en ont fait une de ses banlieues. Il faut s’y rendre à vélo ou s’y promener sur les digues ou dans les rues et autres avenues de la Mer pour y (re)trouver les stations balnéaires.

Pour aller plus loin 

Sur le maître verrier et sculpteur Gérard Lardeur

Des éléments biographiques : http://www.gerard-lardeur.com/main.php?mapage=bio_content.inc.php

http://www.vitrail.free.fr/CSNV/evenem/inmem-gl.php

Des photographies d’autres œuvres : http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-contemporains-de-saint-sauveur-finistere-90229755.html

http://www.mesvitrauxfavoris.fr/Supp_e/saint-lie-mohon_charleville-mezieres.htm

Sur l’atelier Lardeur, fondé par son père Raphaël Lardeur, repris par lui et développé par ses fils : https://atelier-lardeur.com/index.php/un-lieu-inspirant/

Sur l’histoire de Luc-sur-Mer et la plage du Petit-Enfer

René Streiff, 1963, Luc-sur-Mer, doyenne des stations balnéaires de la côte de Nacre, Études Normandes, p. 1-8. https://www.persee.fr/doc/etnor_0014-2158_1963_num_49_164_3200

Le site : http://petitenfer2020.fr/historique/

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