Aux frontières du travail enseignant. Géographies de professionnalités mouvantes : l’ouvrage, dirigé par Thierry Philippot et Jean-François Thémines, vient de paraître aux Presses Universitaires de Rouen et le Havre, dans la collection : La professionnalisation, entre travail et formation, dirigée par Richard Wittorski.
L’ouvrage est issu du séminaire ESTER (Espaces et Territoires) dont les chercheur.es contributeur.rices sont : Anne-Laure Le Guern, Thierry Piot, Éric Saillot, Jean-François Thémines (Université de Caen Normandie) ; Marie-Renée Guével, Corinne Mérini, Carine Simar (Université de Clermont-Ferrand) ; Anne Glaudel, Thierry Philippot (Université de Reims Champagne-Ardenne) ; Cédric Aït-Ali, Karine Bonnaud, Jean-François Marcel (Université de Toulouse).
Extraits de l’introduction générale (Jean-François Thémines, Thierry Philippot, Anne-Laure Le Guern)
L’ouvrage résulte des travaux du séminaire pluridisciplinaire ESTER (Espaces et territoires) dont l’objectif était de partager et discuter des analyses d’évolutions du travail enseignant à partir de ses espaces et de ses territoires.
Si la géographie n’a pas fait du travail un objet disciplinaire, la dimension spatiale apparaît paradoxalement, sans être toujours thématisée, chez les spécialistes d’analyse du travail, qu’ils soient ergonomes, anthropologues, psychologues, sociologues. Nous en retrouverons certains (Ivar Oddone, Yves Clot, Yves Schwartz, René Amigues) parmi les références des chercheurs contributeurs à l’ouvrage. De plus, parmi ces derniers, spécialistes de sciences de l’éducation, certains ont déjà posé des jalons en vue de la prise en compte de cette dimension spatiale pour l’analyse du travail enseignant (Marcel et Piot, 2005).
Néanmoins, dans toute discipline à un moment donné, « l’opération de problématisation et de construction de l’objet est le lieu où se nouent les choix et se concentrent les alternatives et les orientations disponibles » (Berthelot, 2001, p. 225-226). Aussi, eu égard à la pluralité des disciplines en présence, était-il nécessaire d’expliciter ces choix pour ce qu’ils impliquaient comme saisie de la dimension spatiale du travail. Le séminaire a mis en dialogue ces modes de saisie. Il ne pouvait donc être question d’une géographie, mais bien plutôt de géographies du travail enseignant, c’est-à-dire de perspectives pluri- ou interdisciplinaires de recherche sur le travail enseignant et l’espace.
Quatre propositions pour des géographies du travail enseignant
La première partie de l’ouvrage est ainsi composée de quatre propositions pour des géographies du travail enseignant centrées successivement sur l’agir professionnel enseignant, les situations didactiques, l’habiter professionnel des enseignants et le territoire du partenariat éducatif. Au fur et à mesure des chapitres, la dimension spatiale gagne en centralité dans la construction de l’objet de recherche, la problématisation et la proposition théoricoconceptuelle..
Toutes ces géographies – au pluriel – du travail enseignant prennent sens à l’intersection des disciplines ou des domaines de spécialité des chercheurs d’une part, et de la multiplicité des terrains où des changements s’observent : les enseignements et leurs espaces dédiés ; la mise en place des Éducations à et de nouveaux espaces de travail à inventer ; les dispositifs favorisant le co-enseignement et le partenariat avec différents acteurs extérieurs à l’école ; la mise en place de réformes redéfinissant les cadres de l’action publique en éducation (Bier, 2010 ; Cortesero, 2018), etc. Entre les ouvertures disciplinaires (vers le travail pour la géographie, vers l’espace et le territoire pour les sciences de l’éducation) et la multiplicité des terrains d’observation de changements, l’ouvrage procède à l’exploration de certaines des frontières actuelles de l’espace professionnel élargi des enseignants (Barrère, 2007).
La notion de frontière présente l’intérêt, bien identifié en géographie, de référer à deux champs de signification que nous livrons ici comme une grille de lecture qui sera reprise et discutée à la fin de l’ouvrage. Un premier champ associe la frontière à une ligne de partage (border en anglais), au processus de bornage par lesquels deux espaces distincts entrent en interaction. La frontière peut avoir une fonction de séparation, de filtre (certaines personnes, certains objets peuvent passer, d’autres pas) ou d’interface, c’est-à-dire de valorisation des différences de part et d’autre de la limite.
Une seconde signification associe la frontière à la création d’un espace « nouveau », auquel sont associées des valeurs positives de (re-)naissance, de transformation. La frontière prend les connotations du mot anglais frontier, lequel correspondait pour l’historien américain Frederik Jackson Turner (1861-1932) à « cette frange mouvante où se forgeait une nouvelle société américaine [En ce sens] les frontiers et autres fronteiras [pour le Brésil], et surtout les “nouvelles frontières” évoquent des ouvertures, des espaces de créativité, et non la fermeture qui est habituellement associée à l’idée de frontière en français » (Brunet et al., 1992, p. 210). L’expression front pionnier a permis de s’approprier cette idée de la frontière dans le contexte français.
Qu’elles soient des lignes de partage ou des espaces d’ouverture et d’invention, ces frontières prennent place dans des rapports complexes entre nouvelles prescriptions et élaboration des professionnalités enseignantes. Ce que les chapitres de la seconde partie de l’ouvrage proposent d’explorer.
Voir Table des matières ci-dessous

Table des matières
Introduction générale : Jean-François THEMINES, Thierry PHILIPPOT, Anne-Laure LE GUERN – Une approche géographique du travail enseignant
Première partie : Géographies du travail enseignant
Chapitre 1 : Thierry PIOT – Nouveaux territoires pour l’agir professionnel des enseignants : l’exemple de la prévention contre le décrochage scolaire en collège.
Chapitre 2 : Anne GLAUDEL – Espace – activité – discours : comprendre les discours d’enseignants de l’école primaire en situation didactique
Chapitre 3 : Thierry PHILIPPOT – L’habiter : une entrée pour penser les évolutions du travail enseignant à l’école primaire
Chapitre 4 : Jean-François MARCEL – Eléments de modélisation du partenariat en éducation. Pratiques, collectif de travail et territoire partage
Seconde partie : Nouvelles frontières professionnelles à l’École et en dehors de l’École
Chapitre 5 : Jean-François THEMINES – Ce que la réforme des rythmes scolaires a changé au travail de professeurs des écoles : une approche par la géographie
Chapitre 6 : Karine BONNAUD – Le territoire partage à travers un collectif d’enseignants, étude d’impact et réforme des rythmes scolaires
Chapitre 7 : Cédric AÏT-ALI, Ludivine GERMA – Regards d’enfants sur les frontières éducatives. Présentation d’un outil méthodologique
Chapitre 8 : Eric SAILLOT – Enjeux de territoires et nouvelles professionnalités au sein des dispositifs « plus de maitres que de classes »
Chapitre 9 : Carine SIMAR, Corinne MÉRINI, Marie-Renée GUÉVEL – Le travail en situation d’intermétiers aux confins des territoires : dynamiques des interactions dans le cadre d’un dispositif de promotion de la sante
Conclusion générale : Jean-François THEMINES, Anne-Laure LE GUERN – Géographies de professionnalités en mouvement : de la recherche à la formation
L’ouvrage peut être commandé à ce lien : https://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100049450&fa=details
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