Devant l’hôtel de ville de Lisieux, dans la cour d’honneur pavée, sur la gauche en entrant, une installation représente l’école.
A gauche, deux crayons dressés. On en trouve de semblables au bord des routes pour signaler aux automobilistes qu’ils sont aux abords d’écoles communales. A droite, une écolière en jupe tenant son cartable devant elle. Au milieu, une pile de livres portant les noms de disciplines scolaires (voir photographies ci-dessous).
A chacun de lire dans la place respective de chacune d’entre elles et/ou la taille de l’ouvrage, l’importance qui lui est donnée. Les maths en haut mais petit fascicule ! Les arts immédiatement en-dessous : plutôt une bonne nouvelle, loin des priorités ministérielles. Position politique ou liberté d’artiste… Le français bien sûr. Les sciences tout en bas, mais avec un épais livre : l’école repose sur des savoirs solidement établis. Entre deux, l’histoire, énorme… connaître son histoire de France sans doute.
Mais point de géographie. Nulle part. Lisieux a perdu sa géographie.


Mais on retrouve la géographie en ville, ou plutôt on les retrouve.
La géographie des ronds-points et ses jeux d’échelle
Ou : comment sur ces points fixes de nos vies automobiles représenter des espaces de grande taille
L’évocation stéréotypée du pays d’Auge tel comme vous vous le représentez pour rappeler que nous sommes/vous passez dans sa capitale. Une vache (en résine), une pomme en fer forgé, un (vrai) tracteur [Mac Cormick Farmall Cub, 1953] un fût venu de la distillerie Busnel de Cormeilles (Eure). Il s’agirait en fait de la Normandie : https://www.ouest-france.fr/normandie/lisieux-14100/lisieux-le-rond-point-willy-brand-bientot-a-l-effigie-de-la-normandie-7160120 Cela étant, on est sur le giratoire Willy Brandt, chancelier allemand ancien opposant en exil au régime nazi, dont la chute a nécessité entre autres opérations alliées après le Débarquement de Normandie, le bombardement et la destruction à 75% de la ville de Lisieux.

Il faudrait cependant faire le tour des ronds-points de la ville pour saisir l’ensemble des réseaux par lequel celle-ci se perçoit dans le monde. Par exemple, sur cet autre rond-point, une célébration du rugby. Lisieux (qui exhibe volontiers son drapeau) possède un club de rugby. Bernard Laporte, président de Fédération française de rugby était venu inaugurer les travaux du stade Dujardin l’hiver dernier. Voir cet article de presse locale : https://actu.fr/normandie/lisieux_14366/lisieux-deux-jeunes-de-l-ecole-de-rugby-apparaissent-sur-un-visuel-de-la-federation-avec-antoine-dupont_47722031.html Sélectionneur de l’équipe de France masculine entre 1999 et 2007, Laporte a contribué à deux grands chelems dans le Tournoi des Six Nations… Une dimension mondiale implicite donc à ce rond-point…

La géographie des continents… au Carmel.
Où les objets réunis à l’occasion de visites de missions étrangères sont accumulés dans des vitrines qui les classent par continent.
Voici par exemple, ci-dessous, un détail de la vitrine Asie et la vitrine Océanie.


Au Carmel, la géographie d’un seuil
Plus subtile, plus méditative, cette géographie du seuil qui marque le passage de Thérèse Martin du monde profane au Carmel. Le visiteur du mémorial de ce Carmel peut à loisir mimer ce passage : c’est nous dit-on la porte authentique de sa première cellule par laquelle nous passons, le « vrai » pavé des couloirs du Carmel que nous foulons (voir ci-dessous).


A la basilique : une géographie du monde catholique
Quand on monte au dôme de la basilique, vers l’extérieur, on peut regarder le pays d’Auge. La rocade qui redistribue les flux routiers sur la Normandie et la région parisienne, la gare en contrebas point d’arrivée de visiteurs du sanctuaire et de transbordement de Parisiens en transit pour Deauville et Cabourg, mais aussi point de passage des navetteurs caennais en direction de Paris (et retour le soir).

Mais, vers l’intérieur, on voit d’en haut ce qu’on a d’abord visité, c’est-à-dire, le monde : des chapelles latérales dédiées aux pays de la Chrétienté (belle place de l’Amérique latine, par exemple le Brésil ci-dessous) ; un joli morceau de géographie coloniale avec cette mosaïque de l’humanité divisée par couleur de peau – les manuels scolaires de l’époque font de même ; de petits objets (ex-voto, intentions) comme autant de liens personnels déposés là, venus du monde catholique (exemple ci-dessous derrière la statue de Thérèse sur la gauche à l’entrée de la basilique).




Et le théâtre pour nous rappeler qu’il n’est pas de géographie sans rapports sociaux
Sur la scène, des acteurs bien sûr. Mais la scène (sociale) est aussi, côté public, dans les placements inégaux de ce petit théâtre à l’italienne restauré au milieu des années 1980.


La visite effectuée lors des journées du patrimoine nous permet de passer sous la scène où on voit les mécanismes des systèmes de déplacement d’éléments de décor. Au-dessus de la scène, dans les cimaises, les poulies et les cordes activant les rideaux et d’autres éléments du décor… Au-dessus, au-dessous, dissimulés, les ressorts de l’action.




Dans la salle, au-dessus du public et face aux acteurs, un masque pour rappeler que tout cela, comédie ou tragédie, que le théâtre ramasse et condense, c’est la vie.

Finalement, Lisieux ne manque pas de géographie(s).
Une pensée en cours de promenade pour Eric Ratzel, alors professeur d’histoire-géographie au collège Laplace, à Hauteville, initiateur avec ses élèves des parcours iconographiques.
Pour retrouver ces parcours iconographiques à la recherche de Lisieux :
Anne-Laure Le Guern et Jean-François Thémines, 2011, Des enfants iconographes de l’espace public urbain : la méthode du parcours iconographique, Carnets de géographes
https://www.carnetsdegeographes.org/carnets_terrain/terrain_03_02_Leguern_Themines.php
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