Du 17 septembre au 16 octobre, la Mission de Valorisation du Patrimoine et la direction de l’Urbanisme de la Ville de Caen proposent des rendez-vous dans le cadre de la Charte Ville d’Art et d’Histoire et du label régional Patrimoine de la Reconstruction en Normandie. Ce samedi 08 octobre, les Nouveaux Regards sur la Reconstruction de Caen 1944-1963 étaient braqués sur la Chapelle du Bon-Sauveur, avec une visite animée par Nadège Orange, enthousiaste médiatrice de l’architecture et du patrimoine.

Reconstruite à partir de 1956 par l’architecte Léon Rême sur les restes de l’ancienne chapelle des Capucins, l’actuelle chapelle du Bon Sauveur est rarement ouverte au public. De l’extérieur, elle présente un visage double (voir photographies ci-dessus).
Sa façade a été reconstruite dans le style néo-gothique caractéristique de l’ensemble du Bon Sauveur. Une vue en perspective sur cette façade est aujourd’hui préservée entre les immeubles construits dans les années 2010 par la société Eiffage. La place sur laquelle elle donnait a en revanche été totalement détruite, notamment les galeries improprement appelées cloîtres qui ont abrité des milliers de réfugiés lors des bombardements de l’été 1944, tout comme ils servaient d’abri aux pensionnaires du Bon Sauveur lorsqu’ils n’étaient pas tenus dans leurs cellules (voir cartes postales anciennes). Son chevet visible depuis l’ancienne entrée rue Caponière date de 1956. Une modeste porte de bois reprenant le motif d’ogives étroites et élancées caractéristiques du chevet permet d’entrer dans le vaste édifice.

Une fois à l’intérieur, on peut apercevoir la médiocre qualité des « sutures » qui relient la nouvelle chapelle elle-même encastrée dans les bâtiments du XIX e siècle aux immeubles d’habitation construits par Eiffage. La découpe du cloître en son angle nord-ouest est d’une grossièreté remarquable (voir photographies ci-dessus). La déambulation dans la partie accessible du cloître, le long de la chapelle, permet aussi de voir l’inachèvement des travaux, dans ce qui était l’ancienne salle commune des sœurs du Bon Sauveur (voir ci-dessous).

On pourrait imaginer plusieurs géographies du Bon Sauveur.
Il y a la géographie d’Anne Leroy, membre de l’Institut des filles du Bon Sauveur de Saint-Lô créé en 1712. Elle fonde à son tour un établissement à Caen en 1732. Elle n’a pas la chance de voir son nom figurer sur un panneau de signalétique urbaine qui « consacre » à sa place le restaurateur de cet établissement caennais : Pierre-François Jamet par ailleurs recteur de l’Université de Caen de 1822 à 1830 [il s’agit des allées Abbé Jamet qui donnent sur la place Villers]. Mais d’autres établissements (école, EHPAD) portent le nom d’Anne Leroy. Les pérégrinations de sa dépouille sont aussi très instructives sur l’importance de la co-présence physique des vivants et du corps de la défunte (ou du défunt) fondatrice (ou fondateur) dans les communautés religieuses.
Il y a la géographie de la fondation du Bon Sauveur caennais, déplacée à deux reprises (Rue du Four, Rue d’Auge), puis avec l’abbé Jamet à partir de 1804 sur les terres rachetées de l’ancien couvent des Capucins ; le développement sur ce site d’une « ville dans la ville » avec ses fonctions et ses secteurs spécialisés par populations (pensionnaires femmes, pensionnaires hommes, religieuses) et catégories de pathologies ; puis la rétraction, les ventes de terrain et la substitution d’une autre répartition fonctionnelle, à dominante résidentielle même si demeure aujourd’hui sur une petite partie de l’ancienne fondation, l’Etablissement Public de Santé Mentale de Caen. De sorte que l’ancienne enclave périphérique, entre rue Caponière et Prairie, héritière du couvent des Capucins, est aujourd’hui intégrée à la ville.

Et il y a la géographie de la chapelle elle-même qui domine pendant cette visite ; une géographie du sensible. Elle forme un vaste espace intérieur dépouillé, silencieux, baigné dans une lumière qui change au fur et à mesure de la visite, avec deux tonalités : l’une rosée produite par le mélange des bleus et des rouges qui dominent dans les pavés de verre des vitraux du cœur ; l’autre plus claire émise par les vitraux du transept et qui descend d’une sorte de loggia. Le mobilier (orgues, stalles, bénitiers, lustres en verre de Murano) reflète ou absorbe ces lumières douces (voir photographies ci-dessous).




Depuis cet espace intérieur, il est difficile de ne pas penser à d’autres édifices religieux construits pendant les années 1950 dans l’agglomération caennaise même si les styles sont différents – le béton n’y est pas caché et la conception des vitraux n’est pas identique (le Monastère des Bénédictines à Couvrechef, l’église Saint-Julien dans les carrières du même nom), à d’autres œuvres de l’architecte Léon Rême dans la ville (Archives départementales du Calvados) ou ailleurs – mais il est enterré ici dans l’entrée de la chapelle (voir photographie-ci-dessous) ou encore aux vitraux réalisés dans bien d’autres édifices par les ateliers Loire de Chartres. Une géographie en forme de constellation.

Pour poursuivre la visite :
Plan général de la maison du Bon-Sauveur de Caen, avec vue perspectives générales, des habitations des femmes et des hommes et de la communauté [H. Hallot (plan) ; A. Lecointe (vues)] CPL/492Archives du Calvados : https://archives.calvados.fr/ark:/52329/fpbh80z1kj42/c2cb23f4-bc67-4ef0-9468-597c6bad183d
Pour retrouver des œuvres de Léon Rême (1910-1968) après la Reconstruction
les Archives départementales du Calvados : https://archives.calvados.fr/page/histoire-des-archives-du-calvados#:~:text=En%201963%2C%20l’architecte%20d%C3%A9partemental,par%20les%20Archives%20de%20France.
le lycée Louis Liard de Falaise : https://unpourcentlycees.normandie.fr/index.php?post/Lyc%C3%A9e-Louis-Liard
le lycée Alain d’Alençon : https://unpourcentlycees.normandie.fr/index.php?post/Lyc%C3%A9e-Alain
Pour retrouver le travail des maîtres verriers des ateliers Loire
Le site des ateliers Loire, la page concernant la Chapelle du Bon Sauveur https://www.ateliers-loire.fr/fr/gabriel-loire-caen-chapelle-du-bon-sauveur.php
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