Ce 4 mars 2023 était une journée de mobilisation contre le projet de loi Asile et Immigration porté par le gouvernement français. Cette journée d’action était organisée par le Collectif UCIJ (Uni.e.s Contre l’Immigration Jetable) et relayée notamment sur le Médiapart : https://blogs.mediapart.fr/uni-es-contre-limmigration-jetable/blog/010223/appel-uni-es-contre-l-immigration-jetable-pour-une-politique-migratoire-d-ac
Sur Caen, l’association Citoyen.nes en lutte de Ouistreham collectif militant soutenant les exilés à Ouistreham sur le plan alimentaire, appelait à participer à cette journée d’action (voir page facebook : https://www.facebook.com/collectifcitoyennesenlutte/)
La veille quelques affiches avaient été apposées notamment dans le quartier de la gare et sur la rive droite.
24 heures plus tard, l’affiche collée sur un des placards publicitaires de l’hôtel hébergeant des personnes exilées en face de la gare était toujours en place (voir photographie ci-dessous).

Celles posées sur la place du marché du samedi matin le long du boulevard Leroy n’ont en revanche pas survécu à la tenue de ce marché. Arrachées (voir photographies). Manifestation d’une frontière…


La photographie qui constitue le fond de l’affiche a été prise sur la plage de Ouistreham. Elle illustre un article paru dans Ouest-France l’année précédente qui narre les mésaventures d’un jeune exilé soudanais maltraité par la préfecture de Calvados et dont la justice a pu faire reconnaître les droits (voir photographie ci-dessous)

C’est l’histoire d’un jeune homme qui arrive du Soudan à Ouistreham en 2020 espérant passer en Angleterre et y faire une demande d’asile. Il a été emprisonné plusieurs mois en Lybie puis à Malte. Il fait partie d’une petite communauté de 50 à 60 migrants soudanais qui campe à Ouistreham. Comme les autres jeunes, il cherche à s’introduire dans les camions de transport international qui empruntent le terminal ferry pour rejoindre l’Angleterre.
Un soir de 2021, alors qu’il tente de monter dans la remorque d’un poids lourd espagnol égaré à plus d’un kilomètre du terminal, le conducteur l’aperçoit et veut l’éloigner du camion. Le jeune homme le blesse légèrement au poignet avec une lame de type couteau à huitres.
Interpellé par les gendarmes, il est jugé en comparution immédiate pour violence avec arme.et condamné à six mois de prison avec sursis. Puis il est enfermé au centre de rétention Rouen-Oissel, car il aurait selon la préfecture du Calvados falsifié son identité et son âge. Il est alors sous le coup d’un arrêté d’obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Depuis le centre d’Oissel, il fait une demande d’asile par visioconférence. L’entretien n’est pas préparé, les conditions techniques ne sont pas bonnes ; il ne comprend pas toutes les questions posées par l’interprète. De plus, il n’est pas cru lorsqu’il affirme appartenir à l’ethnie Zaghawa, laquelle fait l’objet d’une répression massive au Soudan ; ce qui a conduit en 2018 le Conseil National du Droit d’Asile à reconnaître la qualité de réfugié à toute personne dont cette origine ethnique aura été établie (http://www.cnda.fr/Ressources-juridiques-et-geopolitiques/Actualite-jurisprudentielle/Selection-de-decisions-de-la-CNDA/L-intensite-des-persecutions-endurees-au-Soudan-par-les-Zaghawa-du-Darfour-conduit-la-CNDA-a-reconnaitre-la-qualite-de-refugie-a-un-ressortissant-de-ce-pays-dont-les-origines-geographiques-et-ethniques-ont-ete-etablies.)
En juillet 2021, à la suite de manifestations de soutien, la préfecture communique sur les raisons de l’arrêté d’OQTF en mentionnant l’état-civil du jeune homme. Arguant du danger encouru par ce dernier du fait de la diffusion de son identité, son avocat porte l’affaire auprès du Conseil National du Droit d’Asile. Celui–ci annule la décision initiale de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et accorde au jeune homme le statut de réfugié. Le Conseil a reconnu son appartenance à l’ethnie Zaghawa et estime qu’il est en effet menacé s’il retourne dans son pays. La démarche de transmission de l’OQTF pour obtenir un laissez-passer auprès des autorités soudanaises le mettait déjà en danger…
Pour comprendre ce qu’est cette frontière vécue par de jeunes exilés soudanais et d’autres nationalités à Ouistreham, voir : Margaux Verove, 2020 : Les « clandestins » à Ouistreham : entre stratégies de relégation et soutiens locaux, dans l’Atlas Social de Caen [En ligne] ISSN : 2779-654X, URL : https://atlas-social-de-caen.fr:443/index.php?id=505
Et pour une approche cartographique plus générale où Ouistreham frontière entre l’Eufrasie et l’Angleterre côtoie d’autres Ouistreham, celle du tourisme et des loisirs, celle de banlieue littorale de Caen, voir le schéma ci-dessous (auteur : Jean-François Thémines)


Et pour retrouver l’article d’Ouest-France concernant cette affaire : https://www.ouest-france.fr/normandie/caen-14000/normandie-la-publication-de-l-etat-civil-d-un-exile-soudanais-par-la-prefecture-n-etait-pas-legale-25e5cdb0-fd30-11ec-8493-b559deb42848
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