Au château de Montal, près de Saint-Céré (Lot), on peut croiser deux femmes qui y ont vécu, en ont fait ce qu’il est aujourd’hui sans pour autant qu’elles ne se rencontrent. Deux femmes ou, plus exactement, leurs portraits ; de sorte qu’on peut dire que le château est à leur image, si ce n’est, pour partie, leur image.
Jeanne de Balsac (1476-1559)
Elle fait construire Montal à l’emplacement d’un château médiéval acheté par son père Robert de Balsac, sénéchal d’Agenais. Outre l’emploi du style de la Première Renaissance auquel elle a pris goût en suivant son père en Italie (il est un temps gouverneur de Pise), elle imprime sa marque dans l’édifice. Elle y figure en portrait par deux fois.
Une fois parmi les sept bustes en haut relief qui la représentent avec ses proches, dont son mari le baron Amaury de Montal et leur fils ainé Robert mort dans les guerres d’Italie.

Une autre fois en médaillon sur la voute de l’escalier monumental qui mène à l’ensemble des pièces du château.

On peut aussi la « voir » dans les nombreux exemplaires de l’initiale de son prénom : I gravé sur la frise qui domine la cour (ici, à côté de représentations de sirènes) et dans l’escalier.

Elle apparaît aussi par le biais d’allégories chargées d’illustrer sa devise : « Plus d’espoir ». Le Désespoir qui se transperce la poitrine côtoie la Prudence…


Cet été 2024, le château accueille une exposition de céramiques des Della Robbia. Disposées dans diverses pièces, ces œuvres illustrent ce goût italien venu à la noblesse du royaume qui s’est mise au service des rois de France. La dynastie florentine des Della Robbia a produit de nombreuses œuvres de terre cuite émaillée pour des églises et palais de Toscane et d’Ombrie. Jeanne de Balsac en a-t-elle vu lors de son séjour en Italie ou dans quelque château français ? Descendants du fondateur de la dynastie, Luca della Robbia (1399-1482), Luca « le Jeune » et Girolamo sont venus travailler au service de François Ier. Parmi les céramiques rassemblées au château de Montal, quelques portraits, saisissants, dont un de François Ier



Parmi les œuvres présentées dans l’exposition, une terre cuite émaillée attribuée aux Della Robbia, représentant Alexandre le Grand et passant pour avoir fait partie du décor du château d’Assier, autre château Renaissance du Haut Quercy, « œuvre » de Galiot de Genouillac, grand maître de l’artillerie de François Ier.

Figure également un très beau buste de femme réalisé vers 1530, provenant peut-être également du décor du château d’Assier.

Marie Fenaille (1869-1941)
Elle est présente dans le château sous la forme d’un buste en terre cuite réalisé par Auguste Rodin vers 1898.

Originaire de Rodez où elle effectue de nombreux séjours avec son mari, l’industriel Maurice Fenaille, elle lui fait connaître la région.


C’est ainsi qu’ils acquièrent le château de Montal et en retrouvent et rachètent presque tous les éléments de décor vendus par de précédents propriétaires. Ils reconstituent le château de Jeanne de Balsac.
Maurice Fenaille récupère le buste de Jeanne de Balsac acheté par le musée de Berlin et qu’il échange contre un tableau de Cranach. Il négocie avec le Musée de Lyon qui lui rétrocède le buste de Robert de Montal en échange de tableaux d’Henri Martin. Le couple obtient le retour de sculptures du décor de la cour en échange du don du château et de son mobilier à l’Etat. Leurs descendants auront la possibilité de vivre dans une partie du château de Montal jusqu’en 2006.
Maurice Fenaille est aussi un mécène de Rodin. C’est à ce titre qu’il lui demande de réaliser un buste de sa femme. La représentation en buste de Marie Fenaille est l’objet de nombreuses expérimentations du sculpteur. Aussi peut-on parler des « métamorphoses de Mme F. », titre de l’exposition consacrée en 1998 à Auguste Rodin, Maurice Fenaille et Lyon, aux Musée des Beaux-Arts de Lyon.

Un « homme de l’ombre » relie les portraits de Marie Fenaille et de Jeanne de Balsac. Il s’agit d’Emile Matruchot, jeune sculpteur travaillant depuis 1906 pour Rodin. Il réalise entre autres la copie du buste de Jeanne de Balsac avant que l’original ne soit rétrocédé par le musée de Berlin (cette copie est visible dans le château de Montal) ainsi qu’un marbre de Madame Fenaille daté de 1913.


Pour en savoir plus
sur l’histoire du château : https://www.chateau-montal.fr/decouvrir/histoire-du-chateau-de-montal
sur l’exposition Della Robbia : https://www.chateau-montal.fr/agenda/les-della-robbia-la-terre-et-la-couleur-a-la-renaissance
sur Marie Fenaille, Maurice Fenaille, Auguste Rodin : le Bulletin des musées et monuments lyonnais, 1998, N°2-3. Rodin. Les métamorphoses de Mme F. : https://www.persee.fr/issue/bmml_0521-7032_1998_num_1998_2?sectionId=bmml_0521-7032_1998_num_1998_2_2054
Antoinette Le Normand-Romain : Un «mécène aussi généreux que discret». Les commandes de sculptures de Maurice Fenaille à Rodin : https://www.persee.fr/doc/bmml_0521-7032_1998_num_1998_2_2054
Juliette Lévy et Chantal Quirot, Notes à propos de Madame Fenaille : https://www.persee.fr/doc/bmml_0521-7032_1998_num_1998_2_2055

Laisser un commentaire