La Brèche d’Hermanville comme un décor de cinéma.

On y (re)joue la scène des gaufres au Courbet

Se garer à Lion-sur-Mer et arriver sur la digue par la rue principale. C’est vers la droite (vers l’Est) qu’il faut tourner pour aller à la Brèche d’Hermanville. La baie de l’Orne en panoramique, c’est-à-dire jusqu’à la baie de Seine. On devine Cabourg, Houlgate, plus loin on imagine Trouville. De l’autre côté de la baie, les cheminées de la centrale du Havre dans la brume. Dans notre dos, le car-ferry est encore au large, mais s’approche en biais du port de Ouistreham.

le front de mer de Lion-sur-mer vers Hermanville-sur-mer

Un décor de cinéma, mais en vrai

Il y a deux siècles, ici – la digue aujourd’hui – il n’y avait pas rien, car il n’y a jamais rien. Mais une ligne de dunes, en avant de ces dunes, des rochers et entre eux, des passes que les pêcheurs devaient connaître.

Et en arrière, tout de suite, les marais d’Hermanville et de Colleville séparaient ces deux bourgs de la côte (voir la carte d’état-major et la carte de la fin du XVIIe siècle ci-dessous)

la côte d’Hermanville et de Colleville (extrait de la carte d’Etat-major, Géoportail)

Des villas ont été édifiées dans les dunes dans le prolongement de Lion-sur-mer. Les pratiques de bain de mer se sont développées et le chemin de fer y a amené des populations de la ville. Dès lors, l’attaque de la plage et des dunes devient un problème : la première Association Syndicale de la Station Balnéaire d’Hermanville-sur-Mer qui a pour objet de mer des travaux de protection contre la mer est créée en 1883. Construite de 1965 à 1971, la digue sur laquelle nous marchons, lieu de promenade populaire, a résolu temporairement le problème.

Les dunes sont encore suffisamment protégées par la digue pour qu’on puisse les admirer, notamment la Bluette, point de repère de nos promenades d’Hermanville. Villa Art nouveau construite par Hector Guimard en 1899, elle lui a été commandée par une parente de sa mère, propriétaire à Auteuil, pour son fils avocat.

La Bluette, 1er mars 2025
La Bluette avant la digue (photographie non datée)

Mais le niveau moyen de la mer monte, la plage est attaquée, le sable poussé par le vent. Les rampes des escaliers qui donnaient accès à la plage il y a cinquante ans, sont très largement ensablées de même que la quasi-totalité de leurs marches. Les enfants continuent d’y construire leurs châteaux (voir photographie ci-dessous). Ils nous rappellent l’engloutissement probable de tout ce « décor vrai » déjà en cours d’ensablement, bientôt mangé par les eaux.

Les rampes de la digue ensablées
château de sable à Hermanville

Des vagues de submersion récentes à Hermanville nous permettent de l’imaginer ; la carte des ZPNM (Zones potentiellement sous le niveau marin) en 2100 diffusée par l’INSEE le 7 décembre 2020, invite à s’y préparer (voir ci-dessous).

D’ici là, il aura fallu démonter et remonter la Bluette si c’est juger utile, important, finançable… Mais aussi la plus grande partie des quartiers d’Hermanville qui font le lien entre le bourg ancien et le quartier des villas et ont été construits sur le marais (voir photographies aériennes ci-dessous)

photo aérienne de la côte d’Hermanville (années 1950)
photo aérienne contemporaine de la côte d’Hermanville

Il y a quatre-vingt ans, la Brèche : un des théâtres du Débarquement de juin 1944. Décor de guerre ; des mémoires s’y accumulent : norvégienne, polonaise, alliée. Monuments, inscriptions, affichages, photographies pour se souvenir (voir ci-dessous). C’est par là que nous quittons la digue pour nous diriger vers le café Courbet.

monument à la mémoire des marins du destroyer norvégien Svenner coulé la nuit du 5 au 6 juin 1944 face à Hermanville
monument à la mémoire des marins polonais du croiseur Orp Dragon torpillé en juillet 1944

Enfin le café Courbet de l’autre côté de la place de la Brèche : café populaire, presque un café de quartier même si beaucoup de promeneurs s’y arrêtent. On est quelque part entre les années de construction de la digue et les années 2020 comme y invitent à le penser les panneaux situés devant l’entrée du café.

l’entrée du Courbet. Le Courbet est un navire français de la Première Guerre mondiale, sabordé le 7 juin 1944 devant Hermanville pour protéger les liaisons mer-plage

On entre, une salle face au zinc, la télévision. Le reste est composé de petites salles cloisonnées dont une terrasse couverte et fermée. Ensemble de seuils que la serveuse franchit au gré des commandes. Un décor pour dimanches après-midis paisibles avant 2100.

Tout est prêt pour la scène des gaufres.

les gaufres du Courbet

Pour poursuivre :

un site très documenté sur le Débarquement à Hermanville :https://www.materielsterrestres39-45.fr/fr/index.php/tout-guerre-terrestre/142-france-guerre-terrestre/normandie/617-la-breche-d-hermanville-6-juin-1944

un site mémoriel franco-polonais : https://polskifr.fr/newsbox/leurs-noms-vivent-pour-les-generations/#:~:text=A%20Hermanville%2Dsur%2DMer%2C,ORP%20KUJAWIAK%20et%20ORP%20%C5%9AL%C4%84ZAK.

un site qui retrace l’histoire de la protection du littoral d’Hermanville : https://www.asahermanvillesurmer.org/histoire/#:~:text=La%20gen%C3%A8se%20de%20la%20protection,Hermanville%2Dsur%2DMer%20%C2%BB.

une présentation de La Bluette : https://inventaire-patrimoine.normandie.fr/dossier/IA00121351

l’étude sur les risques de submersion marine en Normandie (INSEE) : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4989506#graphique-figure4

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