L’église de Barfleur est de toutes les représentations de ce bourg littoral.
Comment ne pas faire de la silhouette massive et ramassée de cette église l’élément structurant des photographies du port sur lequel elle semble veiller ?
Tout semble à sa place, presque composé pour le visiteur : l’église, les quais, les bateaux, les maisons du bourg, le bassin, la digue et l’ouverture vers le large.


Puis il y a l’arrivée à proximité de l’église. Trapue, entourée de murs assez hauts, elle masque toute perspective. Un étroit chemin la contourne.

On est comme dans un couloir abrité et d’un seul coup…

Apparaît l’autre côté de la baie de Barfleur, avec le phare de Gatteville comme signal. C’est comme si on avait le petit de tableau de Paul Signac sous les yeux. Le déjà vu… D’abord cette merveille de peinture économe en matière et riche en couleurs à la fois vives et sombres.
Puis cela : ce phare au loin, c’était donc là. Plus large, le temps est plus beau que dans le tableau de Signac, l’eau est bleue, verte, brune d’algues à proximité de la côte, mais il y a du vent,.

Et, seulement après, apparaît cette autre évidence. Je pensais la mer plutôt loin après m’être ajusté au joli tableau de paysage avec église en arrière-plan. Eh bien pas du tout. Elle est très près. Elle est plus haute que le sol sur lequel la digue maintenant bordée d’enrochements a été édifiée. Elle bat ces enrochements alors que la marée n’a rien d’exceptionnel et que la houle n’est pas particulièrement forte. Depuis la digue, on voit l’eau entrer entre les blocs de pierre et, à quelques dizaines de mètres, se vaporiser en arrière de la digue.
J’apprends ensuite que cette portion de rivage a une longue histoire de submersion et de destruction. 29 mars 1869, l’ouvrage de défense colmaté après une violente tempête en 1788 a rompu ; la mer et des galets ont envahi des terrains agricoles. Le syndicat de défense contre la mer de Gatteville-Barfleur est créé. La digue construite en 1870 est endommagée à de nombreuses reprises (1875, 1897, 1901, 1905, 1908, 1909, 1910, 1915). En 1909, le quartier Saint-Nicolas est inondé…
Un siècle plus tard, le département de la Manche a développé une application « Mon exposition aux risques littoraux ». Cet outil cartographique permet à tout un chacun de connaître son exposition aux inondations par submersion marine, aux débordements de cours d’eau et remontées de nappe phréatique. Il permet aussi une première évaluation des perspectives d’évolution de recul du trait de côte d’ici 2050 et 2120. Barfleur est concernée, pas la plateforme rocheuse sur laquelle a été construite l’église Saint-Nicolas, mais une bonne partie du bourg.

https://public.geomanche.fr/exposition_risques_littoraux/
Paul Signac a peint les deux visages des liens de Barfleur avec la mer de la Manche :
- sa face paisible avec l’église, un port aux eaux calmes et des bateaux à quai ;


- sa face sombre, derrière l’église, les eaux agitées qui battent les hauts fonds rocheux et semblent vouloir déferler sur les plus basses des terres.


Pour poursuivre
Le lien vers le site d’une exposition consacrée aux aquarelles de Paul Signac en 2021 : https://presidence.fr/en/exhibitions-at-the-gallery/exhibition-signac-watercolors/
Quelques œuvres d’autres peintres ayant pris Barfleur comme motif : Jean-Baptiste Antoine Guillemet (1843-1918) et Frank Myers Boggs (1855–1926)



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