En ce temps-là, de hauts immeubles pouvaient marquer les sorties de ville. Ils venaient de sortir de terre.
Par exemple, à Châtellerault, à la sortie Sud de la ville. Trois tours donnaient le signal de la sortie toute proche dans une portion de vallée de la Vienne qui nous rapprochait de la Marche limousine.
A l’approche de Noël, nous passions alors que le soleil n’était pas encore levé ; on pouvait apercevoir sur la plus haute des tours, des guirlandes en motif de rennes et de traineau.
Nous n’y sommes pas retournés ce 20 juillet 2025. Il m’a semblé apercevoir le haut d’un de ces immeubles depuis le site de l’ancienne manufacture. C’est ce qu’il faut voir dans la photographie ci-dessous. Nous étions garés au bord de la rivière, au Nord du centre-ville et nous n’avions pas le temps de « faire le tour » de Châtellerault. Alors j’avais cherché des yeux, ces anciens signaux de bord de route.

C’est un globe virtuel qui après coup m’a fourni une image plus complète des tours en question. J’ai retrouvé ce que j’aimais dans leur apparence : ces sommets aux angles légèrement recourbés vers le haut et des balcons semblant courir tout autour de chaque face.

Il me semble que j’aimais aussi que cet ilot forme comme une étrave devant un rond-point qui déterminait la direction à prendre. A droite, la RN10 (aujourd’hui la RD910) continuait : Poitiers, Saintes, Bordeaux, etc. Le Sud-Ouest atlantique. Bayonne au bout. A gauche, la direction Limoges : le Sud-Ouest intérieur. Nous prenions à gauche et c’était assurément les vacances qui se rapprochaient.


J’ai aussi mis un nom sur cet ensemble d’immeubles ; je ne m’en souciais pas il y a cinquante ans. La Plaine d’Ozon. Le quartier est aménagé entre 1959 et 1962 et les trois tours ont été construites par l’architecte Philippe Douillet (1923-2006) également auteur de réalisations dans la ville nouvelle de Mourenx ou la station des Ménuires. Les habitants les appellent les « tours chinoises » ou « les pagodes ».


Philippe Douillet a également signé l’église du quartier (Sainte-Marie) dont la ligne du toit reprend le motif des trois tours voisines (voir Châtellerault-Mag, janvier 2021).

Dans notre tour de ville de juillet 2025, j’ai retrouvé cet ancien repère, quand la RN10 quitte les faubourgs Nord pour entrer dans le centre-ville. Elle s’appelle alors le boulevard Blossac.

Le tracé de l’ancienne RN10 dans Châtellerault est encore marqué de plaques cochères. Celle-ci (ci-dessous) a 150 ans puisque la future RN10 y a le statut de route impériale.

On y trouve les noms des communes traversées au Nord dans le département de la Vienne (Ingrandes, Dangé, Les Ormes). S’y sont ajoutées comme par sédimentation diverses signalisations : pour le transit automobile, pour les cyclistes, pour un monument historique et pour l’ancienne Manufacture d’armes de Châtellerault devenu « Site de la Manu ». On pourrait faire l’histoire des villes à partir des signalétiques accumulées.
Ce tour de ville a donné de l’épaisseur à ma représentation des trafics Nord-Sud dans Châtellerault.
La route d’Espagne se poursuivait après Tours pour les pèlerins qui entrant dans Châtellerault par la rue Bourbon (et y entrent toujours comme nous avons pu le voir depuis la terrasse du salon de thé) tournaient rue Saint-Jacques vers la cathédrale du même nom.


La Vienne a été du XVIème au XIXème à partir de Châtellerault un axe commercial important pour la région. Les quais encore visibles depuis le pont Henri IV en disent l’importance.


Au Nord, l’entrée dans Châtellerault n’avait rien de monumentale. C’est le contraire de la bordure Sud. La RN10 semblait s’enfoncer tout droit dans les faubourgs. Des campagnes ponctuées par la double rangée de platanes de la nationale, on passait après les usines d’Ingrandes, aux alignements de maisons basses des faubourgs, puis tout droit encore dans le centre de la ville.
C’est là où nous avons dormi le 20 juillet 2025 entre bretelles d’accès à la RN10 (RD910) et à l’A10 au cœur de la zone d’activités Nord. Là où la RN tirait tout droit, les ronds-points se succèdent pour distribuer la circulation vers les hôtels, les entrepôts, les restaurants et les commerces de périphérie.
Voici le bien nommé « rond-point de la Grange ».

Au fond, le coteau marque la vallée de la Vienne rive droite. On est dans ce couloir qu’emprunte depuis bien longtemps la « route d’Espagne ». Devant à droite du rond-point : la première maison de bord de route (ex-RN10) annonçant l’alignement bas du faubourg urbain. Elle était sans doute là, la Grange, la dernière avant la ville. Et, aussi, le panneau indicateur de l’A10 tracée en parallèle de cette route, de l’autre côté de la Vienne. La station essence Intermarché a remplacé les stations essence disparues de la Nationale 10. Entre deux, à l’arrière du rond-point, l’enseigne d’un restaurant de cuisine italienne qui nous a bien dépanné ce lundi soir de juillet.
Au tout premier plan, l’ombre du « passant automobile ». Il prend cette bordure de ville en photographie, en sachant déjà que celle-ci fera marcher sa petite fabrique de souvenirs de route.
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