Consacrée aux mobilités humaines en lien avec les effets du changement climatique, combinés à/accentués par les effets d’activités humaines intensives (déforestation, extraction pétrolière, etc.), l’’exposition Migrations & climat au Palais de la Porte Dorée propose, parmi un ensemble de 200 supports documentaires et oeuvres, de belles réalisations artistiques qui sont aussi cartographiques.

L’entrée du Palais de la Porte Dorée, 20 novembre 2025

En voici quelques-unes

Kapitu kapitu (water to water) 2008, de Ngipi Ward (vers 1949-2014)

Artiste Ngaanyatjarra née à Yirril, en Australie-Occidentale. Jusqu’aux années 1960, Ngipi Wrad a vécu une vie en grande partie nomade de chasse et de cueillette avec sa famille. Elle vit ensuite à Patjarr dans le désert de Gibson en Australie-Occidentale. La toile représente les points d’eau essentiels à la vie de sa communauté. Ces points d’eau changent avec les saisons et les aléas climatiques. Les lignes qui relient les points représentent les déplacements pour l’accès à la ressource, mais renvoient aussi à la notion de « songlines » ou  » corridors de savoirs, chemins tracés au fil des voyages et qui renferment les règles fondamentales de la cohabitation sociale ainsi que des connaissances écologiques, astronomiques ou géographiques essentielles à la vie », en particulier pour trouver l’eau et la nourriture, nécessaire à la survie dans le désert (commissaires de l’exposition réalisée au Musée du Quai Branly en 2023 sur les Songlines, Chants des pistes du désert australien).  

Ngipi Ward

Sur les songlines : https://www.quaibranly.fr/fr/expositions-evenements/au-musee/expositions/details-de-levenement/e/songlines

Sur la communauté Ngaanyatjarra. Voir : https://www.nglandschool.wa.edu.au/

Johtin II – Immigration II, 2020, de Inga Wiktoria Pave (1990 – )

Inga-Wiktoria Påve est une artiste visuelle et designer originaire d’une communauté traditionnelle d’élevage de rennes Sami dans le nord de la Suède. L’éducation de Påve dans sa langue maternelle, le saami du nord, et dans l’éducation artistique (université d’Umeå) lui a permis d’exprimer son identité culturelle à travers son art. Elle s’est perfectionnée en étudiant les métiers traditionnels samis au centre d’éducation sami de Jokkmokk. La reconnaissance qu’elle a reçue, comme le prix du jeune artiste de l’année à Riddu Riđđu (Festival international de Peuples Autochtones qui se déroule en Norvège), la projection d’un court métrage à l’Ottawa Natinal Gallery et sa nomination au prix du livre pour enfants du Conseil nordique, souligne l’impact de son travail à l’échelle mondiale. Ses œuvres, qui mettent souvent en scène la figure emblématique d’une femme sami, explorent des thèmes tels que l’identité, le patrimoine culturel et le lien entre passé et présent.

Dans sa série Round Collection, Inga Wiktoria Pave représente la vie traditionnelle des Samis, ici la transhumance de leurs troupeaux de rennes. Les dérèglements climatiques à chercher des compléments de fourrage en période hivernale. Les éleveurs samis parcourent ainsi des dizaines de kilomètres en motoneige pour nourrir les rennes, avec des chargements de foin, de fanes ou des aliments concentrés à base d’avoine et d’orge. Le surcoût (achats d’aliments, carburant) pénalise cette population au revenu économique déjà fragile.

Inga Wiktoria Pave

Le site de l’artiste : https://www.ingawiktoriapave.com/

Sur ce site, une vue plus large sur la Round Collection : https://www.ingawiktoriapave.com/the-round-collection

Sur le festival de Riddu Riddu : https://riddu.no/en

Et sur les menaces pesant sur la culture et l’économie des Samis : https://www.rts.ch/info/environnement/2024/article/les-samis-un-mode-vie-et-une-langue-menaces-par-le-rechauffement-climatique-28705853.html

Crochet Coral Reef, 2020, de Margaret (1958 – ) et Christine Wertheim (1958 – )

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Le projet Crochet Coral Reef est un projet d’art participatif scientifique matérialisé par des installations imitant des récifs coralliens, fabriquées au crochet à partir de fibres textiles et de plastiques. Actuellement, près de 30000 personnes ont contribué au projet, apportant des pièces qu’elles ont fabriqué pour des expositions dans divers lieux dans le monde. Ce qui est exposé là est une partie de la Satellite Reef de Baden Baden conçue pour le musée Frieder Burda en Allemagne. Les personnes contributrices ont leurs prénoms et noms indiqué sur le cartel de l’œuvre. Ce n’est pas à proprement parler une carte, mais l’installation représente en réduction une pièce de la Grande Barrière de Corail (2300 kilomètres de long).

Margaret Wertheim est une  artiste et vulgarisatrice scientifique australienne, travaillant aux Etats-Unis. Christine Wertheim est poète, performeuse, artiste, critique et commissaire d’exposition, enseignante à l’Institut des Arts de Californie. Elles sont cofondatrices de l’Institute for Figuring (IFF) qui promeut les dimensions poétique et esthétique de la science et des mathématiques. L’Institut propose que les gens puissent interagir directement avec les idées mathématiques et scientifiques par le biais de méthodes de construction matérielle (telles que le crochet et le pliage de papier). L’IFF permet à ces deux sœurs de mener leur projet de « récif corallien au crochet » (Crochet Coral Reef), une initiative qu’elles ont créée comme une réponse artistique au changement climatique et à la destruction de la Grande Barrière de Corail en Australie.

Le site de Margaret Wertheim : https://www.margaretwertheim.com/

Un interview des deux artistes : https://www.mcba.ch/2024/11/interview-exclusive-wertheim/

Sur la Grande Barrière de Corail : Les Défis De La Grande Barriere De Corail – Documentaire Science & Environnement – Arte (2022), réalisation : John Jackson https://www.youtube.com/watch?v=twCK8yIPtXQ

Mongolian dust storm (2010), de Julie Polidoro (1970 – )

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Représentation frontale d’un immense nuage de sable venant de Mongolie et s’abattant sur les régions d’Asie du Sud-Est où il vient amplifier les phénomènes de pollution urbaine (sur Pékin notamment). Ce n’est pas le cas ici, mais Julie Polidoro utilise fréquemment dans ses œuvres la forme cartographique, plus spécifiquement des planisphères.

Voir le site de l’artiste : https://www.juliepolidoro.com/

dont une page consacrée aux cartographies : https://www.juliepolidoro.com/cartography/

Un film (11 mn) de Patrick Sandrin et Patrick Sandrin, aux Films du cyclone, en 2021, avec Julie Polidoro et Philippe Rekacewicz sur leurs usages respectifs des cartes : https://www.youtube.com/watch?v=g_wEixxkPrc

Une courte vidéo d’une tempête de sable en Chine :

Marée rouge, 2014, de Ghazel (1966 – )

Ghazel a quitté l’Iran pour venir étudier en France. « Pour l’artiste, les cartes sont non seulement une représentation du monde mais aussi une métaphore de son propre nomadisme et de ses trajectoires mouvantes. Elles se font l’écho de son « état en transit » depuis plus de trente ans, entre plusieurs langues, plusieurs pays. C’est ainsi que, inspirée par des dessins d’enfants, elle trace sur ses cartes des arbres puissants et des maisons d’où poussent des racines, des valises qui s’amarrent et se transforment en abris, des soleils démesurés, des pays qui semblent pleurer des larmes de sang. L’artiste utilise de vraies cartes du monde, imprimées en Iran, qu’elle déconstruit, dépolitise et recompose. Par une couleur rouge sang, symbole de la vie et de la mort, elle recouvre les drapeaux, abolit frontières et territoires, donnant naissance à sa propre cartographie et à de nouvelles géographies. Mais la série Marée rouge dépasse la propre trajectoire de l’artiste et rappelle de façon métaphorique les bouleversements provoqués par l’homme, tels les conflits, la corruption, la pollution, tout comme l’exode et les migrations qui s’en suivent. Marée rouge évoque également les déplacements contraints de populations liés aux catastrophes climatiques » (commissariat de l’exposition)

Le site de l’artiste : http://ghazel.me/

Antarctic Village – No Borders de Lucy (1966 – ) + Jorge (1953 – ) Orta

« Territoire démilitarisé, entièrement dédié à la recherche et à la préservation de l’environnement, l’Antarctique bénéficie d’une gouvernance interétatique unique, fondée sur le Traité sur l’Antarctique (1959) et le Protocole de Madrid (1991). Inspirés par ce modèle de coopération entre les nations dans un environnement inhospitalier, les artistes Lucy + Jorge Orta ont conçu Antarctic Village – No Borders, une installation temporaire réalisée avec le concours des scientifiques de la base internationale Marambio.

Cinquante tentes disposées à même la glace, recouvertes de drapeaux et de vêtements du monde entier forment un village ouvert, lieu d’accueil universel pour toutes les personnes contraintes à l’exil par les dégradations de leur lieu de vie. Évoquant dans un même mouvement la fragilité des camps de réfugiés et leur multiplication sur l’ensemble du globe, Antarctic Village – No Borders agit comme un plaidoyer pour une reconnaissance du droit à la libre circulation de tous, par-delà les frontières. » (commissariat de l’exposition).

Pour approcher le travail de Lucy + George Orta

L’ art et la manière – Part 1 Director : Benoît Le Gourriérec – 2009 Production : Jean-Paul Boucheny Image : Henry Marquis © Image & Compagnie / Arte FR : https://www.youtube.com/watch?v=PuPowbr7Kis

Traces: Stories of Migration (documentaire, 11 mn) : https://www.studio-orta.com/en/video/46/documentary-traces-stories-of-migration

Une performance « Symphony For Absent Wildlife », œuvre dont les choristes coiffés de masques d’animaux rendent un hommage à la vie sauvage qui disparait de nos sociétés : https://www.studio-orta.com/en/video/20/performance-symphony-for-absent-wildlife

  « Debout, toi l’insulaire », de Kathy Jetñil-Kijiner et Aka Niviâna

Ce poème en images est diffusé sur écran au-dessus de l’installation de Lucy + George Orta. Sa diffusion est pour moi le moment le plus beau de l’exposition. Pas de carte, mais une représentation d’un même monde menacé à partir de coquillages ramassés sur l’atoll de Bikini et de galets ramenés du rivage de Nuuk que les deux poétesses ont amené l’une à l’autre.

La vidéo, à écouter absolument, est à ce lien : https://350.org/fr/debout-toi-linsulaire/

Le début du texte :

Ma sœur des contrées glacées et enneigées/Je viens te rencontrer depuis la terre de mes ancêtres/Les atolls, les volcans engloutis, descendants de géants endormis

Ma sœur des contrées océaniques et des plages du Pacifique/Tu es la bienvenue sur la terre de mes ancêtres/Cette terre où ils ont sacrifié leur vie pour je puisse y vivre moi aussi sur la terre des survivants.

Je viens te rencontrer depuis la terre élue par mes ancêtres/Aelon Kein Ad, les îles Marshall, un pays où la mer est plus présente que la terre/Tu es la bienvenue à Kalaallit Nunaat, au Groenland, la plus grande île de la planète

Kathy Jetñil-Kijiner et Aka Niviâna

Kathy Jetn il-Kijiner est une poétesse d’origine marshallaise, née aux îles Marshall et élevée à Hawaii. Elle est actuellement envoyée pour le climat auprès du ministère de l’environnement des îles Marshall

Son site : https://www.kathyjetnilkijiner.com/

Aka Niviâna is une écrivaine, poétesse et activiste climatique d’Upernavik, Nord Groenland.

La bande annonce de l’exposition : https://www.palais-portedoree.fr/programmation/expositions/migrations-et-climat

Le Commissariat de l’exposition : Bruno Girveau, conservateur général du patrimoine honoraire, commissaire général ; Élisabeth Jolys Shimells, conservatrice en chef du patrimoine, cheffe du service de la conservation, commissaire ; Gabriel Picot, responsable du développement culturel et pédagogique de l’Aquarium tropical, commissaire ; Olivier Bedoin, assistant d’exposition

Conseil scientifique : Sylvie Dufour, directrice de recherche émérite, CNRS ; chargée de mission mer, Musée National d’Histoire naturelle (MNHN) ; François Gemenne, professeur à HEC Paris, chercheur FNRS et directeur de l’Observatoire Hugo à l’université de Liège

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