Bibliothèque Universitaire Gaston Mialaret, Inspé Normandie Caen, site de Caen, 186 rue de la Délivrande. 16 mars 2022, 13h56.
Je remets quelques ouvrages en retard et découvre ce lot journalier d’ouvrages « promis à être détruits et recyclés [mais généreusement] proposés en dons » (photographie ci-dessous).

Dans ce lot, au premier rang à gauche, un ouvrage que je reconnais. Intitulé « Didactique des disciplines et formation des enseignants », il est le deuxième chronologiquement des quatre ouvrages publiés par des chercheurs de l’IUFM de Basse-Normandie dans les Cahiers de la MRSH de Caen. Il est daté de 2002.


Préfacé par Pierre Savaton, il rassemble des articles écrits par des chercheurs de l’établissement, spécialistes de diverses didactiques (des mathématiques, des lettres, de la géographie) (ci-dessus avant-propos de Pierre Savaton et table des matières)
Il concrétise un accord passé entre l’IUFM et la MRSH de l’Université de Caen (l’IUFM n’est alors pas intégré à l’Université) pour valoriser la recherche en éducation conduite dans cet institut au service de la formation des professeurs du primaire et du secondaire général, professionnel et technologique.
A ce titre, il marque un temps de l’institutionnalisation et de la production de la recherche à l’IUFM de Basse-Normandie. L’histoire de cette institutionnalisation reste d’ailleurs à écrire.
Vingt ans plus tard, un exemplaire de l’ouvrage en question fait partie de ces « documents usés ou inadaptés » retiré du domaine public « pour améliorer la qualité et l’aspect de nos collections ». L’exemplaire étant en parfait état (voir photographie ci-dessous), j’ai conclu à son caractère de document inadapté.

Mais inadapté pour qui, pour quoi ?
Alors, soyons juste, l’ouvrage reste accessible. Remonté à mon bureau, je vérifie cette possibilité d’accès. On peut en effet emprunter un exemplaire à la BU Pierre Sineux (Campus 1 Caen) et à la BU de l’Inspé sur le site de Saint-Lô. Mais il n’est pas ou plus accessible, ici, sur le site de la BU Gaston Mialaret (saisie d’écran ci-dessous).

Qu’en conclure ?
Que les didactiques des disciplines sont inadaptées à la formation des enseignants ? Non, bien sûr, elles demeurent les disciplines universitaires de référence de pans entiers de cette formation et les mémoires de master de nos étudiant.e.s s’inscrivent bien souvent dans ces champs de recherche.
Que le format ou le contenu d’articles d’une dizaine à une quinzaine de pages explorant tel ou tel aspect d’une spécialité de recherche en construction est inadapté aux attentes des étudiant.e.s actuellement inscrit.e.s à l’Inspé ? Mais qui l’a décidé ?
Que la façon dont le savoir scientifique en éducation se construit, évolue, se spécialise, se discute dans les lieux même de sa production [ici, à l’IUFM, puis ESPE, puis INSPE] n’a pas d’intérêt pour cette bibliothèque universitaire censée être spécialisée en éducation ? C’est à se demander. Mais là aussi, qui décide de ça ?
Comment peut-on envoyer à la destruction, un ouvrage publié vingt ans plus tôt par l’établissement et écrit par les chercheurs de cet institut ?
Concrètement, en n’associant pas les spécialistes des domaines de recherche à ces opérations conduites au nom de la qualité de « nos collections » (qui est ce nous ?) ; en n’ouvrant pas le livre sur sa table des matières pour ne pas s’apercevoir que tous ses auteurs travaillent ou ont travaillé dans la « composante » et qu’on pourrait leur demander quoi faire de cet ouvrage ; en ne se demandant pas si le titre sur la couverture n’aurait pas à voir un peu quand même avec la fonction centrale de la composante ; en ne pensant pas qu’il serait intéressant de constituer une mémoire visible de la recherche en éducation dans cet institut ; faute de se demander pour qui et pour qui on travaille, faute de communication entre les catégories de personnels, etc.
Rappelons au passage qu’il n’existe pas [à ma connaissance] de version numérisée de cet ouvrage, ni des trois autres publiés dans la première moitié des années 2000 au sein de la collection des Cahiers de la MRSH de Caen. Et qu’il n’en existe pas plus des deux tomes d’Actes de la Recherche à l’IUFM de Caen publiés à la toute fin des années 1990. De la responsabilité de qui relèverait ce travail de numérisation et (re)publication web ? Et plus généralement, qui se préoccupe de constituer des archives de la recherche à l’Université ?
Heureusement, nous avions une semaine plus tard, le 23 mars 2022, la journée d’études : La réflexivité a-t-elle encore un avenir ? Enjeux critiques des écrit(ure)s professionnel(le)s de futur·e·s enseignant.e.s. organisée au sein de l’axe 2 du Pôle Fédératif de Recherche de l’Inspé Normandie Caen par Bruno Hubert, pour nous détromper :

Non, les didactiques des disciplines – et l’ensemble des recherches en éducation – ne sont pas inadaptées à la formation des enseignants !
Mais que dit de l’Université cette destruction de productions de recherche issues de spécialités où elle recrute ses enseignants-chercheurs, voire comme c’est le cas ici, de productions de ses propres chercheurs ?
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